Saturday, February 18, 2012

Attendre ...


 Attendre avec espoir la rencontre de quelqu’un, la naissance d’un enfant, le retour d’un frère,
l’arrivée d’un ami. Attendre avec confiance un évènement, l’anticiper, l’imaginer avant qu’il n’advienne. S’angoisser ou s’exciter en attendant le passage du temps, en attendant « Godot » qui viendra peut-être ou ne viendra jamais. 

L’attente, cet état moral qui nous envahit constamment et nous accompagne tout au long de notre existence, il est tantôt source d’espoir, tantôt source d’inquiétude, il est quelquefois comblé et parfois déçu. L’attente est un état continuel qui fait passer le temps à des intervalles plus ou moins longs, ainsi notre vie s’écoule en attendant des évènements ou des êtres qui marquent notre réalité faisant ainsi partie intégrante de notre histoire.

Ce sentiment je l’ai connu depuis mon enfance ; en attendant ma mère revenir du marché; en craignant la rentrée scolaire après de longues vacances ; en redoutant les retrouvailles avec les camarades de classe, ou la réunion avec les amis de la campagne en été. Compter les jours et les semaines avant Noël pour se réunir avec les cousins autour d’un réveillon copieux; avoir hate de suivre la procession des  Rameaux et faire la bataille des œufs a Paques; s’impatienter en attendant de souffler les bougies d’un gâteau d’anniversaire ; tous ces événements simples et familiers étaient ancrés dans le monde imaginaire de mon enfance, je les attendais avec une docilité apparente d’enfant polie qui cachait son empressement pour ne pas gâter la magie du moment.

Plus tard, quand j’ai dépassé l’âge de l’insouciance, j’attendais toujours avec une hâte  grandissante des évènements plus importants soulignant mes accomplissements: la fin de mes études secondaires, l’obtention de mon diplôme universitaire, l’embauche dans un journal respectable. Durant cette période, j’attendais  surtout mes visites fragmentées au domaine maternel, où, à son tour, ma mère m’attendait avec un sourire chaleureux, et mes petits frères, tout joyeux, guettaient mon arrivée au seuil de la maison.  

Peu de temps après, j’attendais mon prince charmant. Je croyais le rencontrer dans les yeux aigue-marine d’un héros de roman d’amour, ou dans la voix timbrée et profonde d’un acteur de feuilletons. Je rêvais comme toutes les jeunes filles de mon âge à une rencontre exceptionnelle, à un coup de foudre éblouissant qui bouleversera toute mon existence et me transformera du jour au lendemain en une princesse adorée. 

L’âge des coups de cœur passé,  je me voyais en robe de mariée, devant l’autel, au bras de mon futur époux,  attendant la fin de la cérémonie où le prêtre  prononça les phrases bibliques témoignant de notre union sacrée. 

Par la suite, j’attendais la naissance de mon premier bébé chéri ! Depuis qu’il était dans mon ventre, je partageais tout avec lui. On mangeait, lisait, chantait et dansait ensemble dans notre deux-pièces climatisé fuyant la chaleur étouffante du Golfe persique. Je lui racontais mes bonheurs et mes chagrins, il était mon ami, mon confident. J’attendais avec émerveillement sa première dent, ses premiers mots, ses premiers pas. J’aimais voir ses beaux yeux s’écarquiller à la vue de la lune et sa bouche barbouillée de glace léchée en cachette. J’admirais les sons musicaux qu’il émettait et les petits mots qu’il gazouillait. Les attentes se multipliaient, et les intervalles de temps qui les séparaient se rétrécissaient. Mais, cette fois-ci je n’attendais plus seule, ma famille partageait avec moi ces moments doux et bénis.




On a déménagé dans une autre ville, dans un autre pays, dans un nouveau monde. Les attentes sont devenues nombreuses et plus courtes avec le rythme de vie qui s’accélérait de jour en jour. J’attendais le retour de mon époux en fin de semaine, seule avec mon enfant de trois ans, confinés dans une tour de Babel, sortant peu, regardant les dessins animés, préparant des petits fours et de beaux dessins pour papa qui rentrera bientôt de son voyage. Je m’adaptais difficilement à cette nouvelle situation, mais la présence de mon bambin enjoué me distrayait de toute pensée négative et me donnait espoir dans un avenir meilleur.

Mon second bébé bien aimé naquit bientôt. Il est venu au monde tranquillement, par un jour d’hiver calme et enneigé, le soleil étincelait  de mille rayons et mon cœur se comblait de plaisir maternel. Tous les trois, nous l’avons accueilli avec beaucoup de joie dans notre appartement perché à la hauteur vertigineuse du 23ème étage. Fort et beau, mon ange blond et doux grandissait choyé par son grand frère, dorloté par ses grands-parents et entouré par nous tous.

Encore un déménagement et un autre bébé tant attendu après une fausse couche accablante. Avant sa naissance, bien blottie dans mon ventre, ma fille a contribué à choisir son foyer ; elle a visité avec nous plusieurs maisons et a refusé certaines offres, son choix est tombé finalement sur la maison rose que nous habitons aujourd’hui. Le jour de sa naissance, elle se cramponnait de toutes ses forces à mes entrailles, refusant de sortir avant que le contrat soit signé en bonne et due forme, s’assurant ainsi d’être bien accueillie dans une belle maison chaleureuse et  confortable. Ainsi ma petite princesse s’est installée avec détermination dans son royaume coloré. Courageuse, elle dormait  toute seule dans sa chambre sans lumière ni musique, elle montait les escaliers à quatre pattes à huit mois, elle sautait durant des heures dans un harnais pour enfants accroché à la porte. Elle était une gymnaste née, une bonne vivante qui participait à toutes les discussions, suivant de ses grands yeux les mouvements de chacun, jouant des tours pour nous engager dans ses jeux, riant aux éclats  pour une blague qu’elle s’efforçait de comprendre. Ma famille s’est accomplit à la naissance de ce petit cœur plein d’amour, mais l’attente continuait toujours. 

En parallèle à mon rôle de mère de famille, d’épouse et de belle-fille, j’attendais de compléter mes études de Maîtrise et de Doctorat. Mon temps était ainsi partagé entre les responsabilités ménagères, les études et l’enseignement des cours de français. Ces années étaient bien chargées que le temps s’est suspendu dans ma tête, je ne sentais pas passer mon âge, je ne comptais que les chapitres corrigés et recorrigés de ma thèse, les échéances des tests et des examens de mes élèves, les niveaux scolaires et les anniversaires de mes enfants.

Le temps fuyait, mais il ne représentait pour moi qu’une notion grammaticale indiquant le passé, le présent ou le futur, je ne le mesurais que relativement aux autres et ne l’évoquais que pour  marquer le cours des évènements. Je ne pensais pas que le temps m’appartenait, et que les années s’écoulaient en ajoutant des chiffres à mon âge. Je me croyais encore à 30 ans, avec mes cheveux  noirs, mes yeux de biche, ma peau lisse et mon corps ferme. Pourtant, je ne l’étais plus ! Mais quand même, j’attendais toujours et j’attendrai encore, parce que c’est en attendant qu’on se sache vivant. 

Saturday, January 14, 2012

Le Jardin de Badalpour

En quête de l'identité

Le roman de Kénizé Mourad Le Jardin de Badalpour (2000) est considéré comme la suite du récit De la part de la Princesse morte du même auteur. Si le premier se concentre sur la vie de la princesse Selma, mère de l’écrivaine, le second est une autobiographie racontant les étapes de la vie de K. Mourad, représentée dans le texte sous le nom de Zahr, qui, après la mort de sa mère, grandit en France entre trois familles adoptives. À l’âge de 21 ans, elle retrouve son père, le rajah de Badalpour, voyage en Inde et essaie de nouer des liens avec sa famille.

En décrivant ses premiers contacts avec l’Inde, terre de ses aïeuls, et sa tentative d’intégration dans son nouveau milieu, l’auteur parvient à transmettre à ses lecteurs ses émotions, tout en fournissant des détails historiques et culturels concernant l’Inde.

La découverte de ses racines révèle à Zahr le côté jadis perdu de son identité. Sa nouvelle situation la fait balancer entre deux mondes opposés : l'Inde, son pays ancestral et la France, son pays adoptif. Elle aura beaucoup de difficulté à concilier les deux facettes de son identité, à se faire accepter par sa famille et par la communauté indienne.  la situation politique en Inde ainsi que la condition sociale ne font qu’amplifier la difficulté de son adaptation ; sans compter l’hostilité de son frère, qui, à la suite de la mort du raja, refuse de reconnaître le droit de sa sœur à hériter le jardin du palais de Badalpour que son père lui a légué.

En fin de compte, grâce à son courage, sa patience et son altruisme, Zahr parvient à tailler sa place dans les deux pays, elle réussit son procès contre son frère et cède le jardin à ses nièces, les filles de son frère décédé, Nadim.


Dissimulée sous le nom de Zahr, Kénizé représente le modèle de la femme moderne, citoyenne d'un monde sans frontière, libre et capable de passer avec aisance d'un lieu à l'autre et d'un état à l'autre, tel un « caméléon », selon ses propres mots. Après tout, on tire de cette histoire de lutte pour l’identité une leçon vivante d'optimisme, de courage et de foi en l'avenir.


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